« Même une petite aiguille peut coudre un grand boubou »


Rédigé le Dimanche 5 Janvier 2014 à 18:20 | Lu 647 commentaire(s)

Dans son discours à la Nation, à l’occasion du nouvel an, le Président IBK a décrété « l’année 2014, année de la lutte contre la corruption. Un combat dans lequel je demande à chaque malienne, chaque malien, de s’engager avec moi. Nul ne s’enrichira plus illégalement et impunément sous notre mandat. »

Nous n’avons qu’un mot à vous dire Monsieur le Président : que votre volonté soit faite ! Nous avons la faiblesse (ou la sagesse, selon le point de vue) de penser que l’homme a une certaine maîtrise de son destin et que s’il commence par s’aider lui-même, le ciel finira par l’aider, et non l’inverse. Nous comptons donc bien exercer notre libre arbitre et à ce titre, nous vous suivons à 100%. Nous espérons connaître rapidement les moyens qui seront mis à la disposition du citoyen pour mener, à son niveau, ce combat de fond.



« Même une petite aiguille peut coudre un grand boubou » !

Une nouvelle année s’ouvre sur un avenir de tous les possibles. Il y a un an, personne n’imaginait le pire. Pourquoi ne pas imaginer le meilleur pour l’année à venir ?
En cette période de vœux, nous exprimons plus qu’un souhait, la volonté de faire de cette année le socle d’un Mali nouveau.
La volonté de chaque Malien, conscient de l’abîme dans lequel s’enfoncerait autrement notre pays, d’accompagner le changement quand il se mettra en œuvre. Chacun, à sa place, tel le grain de sable sans lequel il n’y aurait pas de dunes, peut beaucoup car comme le dit un proverbe sénégalais, « Même une petite aiguille peut coudre un grand boubou ». Alors, munissons-nous chacun d’une aiguille et commençons à bâtir notre grand Mali.
Restons vigilants, dénonçons quand il le faut mais soutenons et accompagnons quand cela va dans le bon sens.

Il semble que des actions se mettent en place pour enclencher la lutte contre la corruption. Nous espérons qu’il ne s’agit pas là d’effets d’annonces habituels destinés à enfumer la communuauté internationale dans le seul but obtenir des fonds.
Reconnaissons que cette dernière se laisse complaisamment convaincre. Nous verrons plus bas pourquoi elle tient tant à déverser des milliards sur notre pauvre pays. Quand à nous, pauvre alibi de tout ce cirque, nous ne nous laisserons pas (plus ?) piéger…

Dans son discours à la Nation, à l’occasion du nouvel an, le Président IBK a décrété « l’année 2014, année de la lutte contre la corruption. Un combat dans lequel je demande à chaque malienne, chaque malien, de s’engager avec moi. Nul ne s’enrichira plus illégalement et impunément sous notre mandat ». Nous n’avons qu’un mot à vous dire Monsieur le Président : que votre volonté soit faite !
Nous avons la faiblesse (ou la sagesse, selon le point de vue) de penser que l’homme a une certaine maîtrise de son destin et que s’il commence par s’aider lui-même, le ciel finira par l’aider, et non l’inverse. Nous comptons donc bien exercer notre libre arbitre et à ce titre, nous vous suivons à 100%.
Nous espérons connaître rapidement les moyens qui seront mis à la disposition du citoyen pour mener, à son niveau, ce combat de fond. Quelques simples exemples : des contraventions en bonne et due forme qui sanctionneront les manquements réels au Code de la route (sans passer par des marchés truqués avec certains imprimeurs) ; les bons d’essence qui descendront jusqu’aux inspecteurs de police afin que ces derniers puissent se déplacer pour garantir les droits de tous les citoyens, sans racketter la victime ; les procédures à suivre pour tout citoyen honnête, victime ou témoin de tentative de corruption par un agent de l’Etat; les peines encourues par les agents fautifs et leur application (qu’en est-il exactement du dossier des fonctionnaires radiés ? Nous avons perdu là une bonne occasion de lancer un signal fort. A votre décharge, cela ne s’est pas passé sous votre mandat) ; des campagnes de communication intelligentes, et non à vocation de surfacturation, pour sensibiliser et informer le citoyen de ses droits et devoirs, de ce qu’il doit accepter ou non de la part d’un agent de l’Etat, des recours dont il dispose, etc. ; mais surtout, l’exemple venu enfin d’en haut avec la fin de l’impunité et l’application réelle des peines.

Car comme l’a dit Montesquieu, « La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent ». Au-delà, ce devrait être la fin de la liberté pour tous ceux qui assasinent au deuxième degré la République.


Vœux pieux ?...

Vous ajoutez : « Si notre artisanat n’est pas bien fini, il ne produira pas de valeur ajoutée. Si nos produits n’obéissent pas aux normes de qualité, ils resteront de consommation locale. Hélas ! Nous ne profiterons que petitement des avantages de l’AGOA »… Vous ne croyez pas si bien dire Monsieur le Président. En effet, la presse peut s’extasier sur la réintégration du Mali au sein de l’AGOA, cela ne doit pas occulter que, « d’après les données 2010 du département américain du Commerce, juste avant la mise en quarantaine du Mali, Washington importait pour 6,3 millions de produits maliens, essentiellement de l’or et des œuvres d’art. Le Mali, en revanche, importait 37 millions de biens en provenance des États-Unis, principalement des machines-outils et des produits pharmaceutiques [1] ».
Nous avons du mal à considérer cette reintégration comme une grande conquête de la démocratie malienne. Eh oui, pour ceux qui ont encore des doutes, les Américains ne sont pas plus philantropes que les Français ou les Chinois. Faites vous-mêmes le calcul : les Etats-Unis exportent près de 6 fois plus au Mali ce que le Mali exporte aux Etats-Unis à travers l’AGOA : le ROI (Return On Investment) est leur bible.
Qui est le véritable gagnant dans ces échanges ? Pour ceux qui veulent savoir à qui profite réellement l’Aide au Développement, consultez cette étude [2] réalisée par GFI (Global Financial Integrity), une ONG américaine dont l’action vise à freiner les mouvements transfrontaliers de capitaux illicites.

Vous continuez avec ceci : « S’il n’y a pas d’investissement massif dans l’industrie, nous resterons un marché pour d’autres ».Au bénéfice de qui ? De nos chers commerçants et douaniers, fossoyeurs grande classe de notre économie. Etes-vous prêts à les affronter et à aller contre leurs intérêts ? Il suffit de vous lire pour comprendre les limites du discours…

Ou encore : Notre potentiel agricole, pastoral, halieutique, minier, notre génie propre et notre combativité nous rendent parfaitement éligibles à tendre vers l’excellence recherchée ». Ne nous contentons plus d’être « parfaitement éligibles à tendre vers l’excellence recherchée », prenons-nous en main au lieu de toujours la tendre à l’extérieur. Retroussons nos manches et remettons à l’honneur le travail. La mendicité, même à une échelle internationale, n’est pas un métier, et encore moins dans nos rues : éducation, formation  et travail pour nos enfants pour en faire des Maliens fiers de ce qu’ils sont et non de ce qu’ils furent !


…Non, intérêts bien compris !

Il n’y a pas de fatalité à laisser nos richesses profiter uniquement aux prédateurs nationaux et aux investisseurs étrangers, sans aucun ROI pour le Malien. Il s’agit là, comme dans beaucoup d’autres domaines, de volonté politique et d’ambition pour notre pays et non de considérer le Mali comme une ressource au service de son CLAN.

Regardons du côté du Bostwana avec ces quelques extraits d’un article paru dans le Monde du 20 août 2013 [3] : « Le Botswana devient un des leaders du négoce de diamant  ».

« Grâce à la découverte de gisements exceptionnels dans les années 1960, le Botswana a obtenu sur trente ans le plus fort taux de croissance au monde, 9 % en moyenne (4 % en 2012). Contrôlée à 50/50 par le gouvernement et De Beers, la compagnie minière Debswana permet aujourd'hui au Botswana d'être le premier producteur mondial de diamants en valeur.

« Mais le gouvernement ne voulait plus simplement être un exportateur net, il cherchait à accroître la valeur ajoutée qu'il pourrait obtenir de l'exploitation de ses diamants », explique Kago Mmopi, porte-parole de la DTCB, créée en 2006 pour développer l'activité localement. Après une "longue et difficile négociation" en 2011, selon un connaisseur du dossier, le gouvernement a obtenu du diamantaire qu'il transfère à Gaborone la totalité de ses activités londoniennes de tri et de négoce.

Longtemps opposé à ce mouvement, De Beers (contrôlé à 85 % par Anglo American et 15 % par le Botswana) s'y est résigné afin de sécuriser  son approvisionnement face à la concurrence accrue. En 2012, les mines de diamants du pays représentaient 72 % de sa production. « La demande va augmenter dans les prochaines années, il était important pour nos clients de savoir  qu'ils peuvent compter sur nous », justifie M. Stockton, dont le groupe fournit 40 % des diamants bruts du marché mondial…

…. Depuis quelques années, plusieurs pays africains haussent le ton pour obtenir davantage de retombées locales de l'exploitation de leurs ressources minières. Vanté pour sa démocratie et son faible niveau de corruption, le Botswana est souvent cité en exemple… 
… Deux banques indiennes ont ainsi décidé de s'implanter  cette année dans le pays. Début août, lors de la soirée de lancement de l'une d'entre elles dans un grand hôtel de la capitale, la directrice générale a expliqué « vouloir accompagner ici le développement du secteur de la taille et du polissage du diamant, en pleine croissance. »

… Employant désormais 3 000 personnes, 21 entreprises acquéreuses de diamants se sont ainsi installées ces dernières années au Botswana. Comme la compagnie Shrenuj, arrivée en 2009 et dont le siège se trouve à Bombay.

Une employée en poste depuis deux ans confie qu'elle gagne 2 800 pulas par mois (250 euros). "Les salaires sont plus de 50 % plus élevés ici qu'en Inde, et la main-d'oeuvre n'est pas très qualifiée, mais nous installer ici nous a permis d'obtenir  auprès de De Beers et du gouvernement un meilleur accès aux diamants avec des conditions plus favorables", explique le directeur, Shreyas Doshi. En 2011, Shrenuj a aussi inauguré le premier atelier de confection de bijoux du pays : 70 employés y fabriquent des bagues en or  et en argent avant d'yincruster un, voire plusieurs diamants. »

Le Bostwana n’est certes pas le Pérou mais tout de même, convenons que : Démocratie et faible corruption + Volonté politique de faire profiter le pays de l’extraction des ressources minières (et non uniquement quelques responsables prédateurs bien placés) + Faire jouer la concurrence + Conviction que les pays développés et émergents ont besoin de ces ressources = Fermeté dans les négociations = Gain de cause = Attractivité du secteur pour les industries liées à la ressource minière + Augmentation de la valeur ajoutée dans le pays, y compris des salaires.

Nous comprenons le chemin qu’il nous reste à parcourir ainsi que la profondeur de notre mal. Sans affaiblissement réel de la corruption, tous nos voeux sonneront creux.

Autre pays, autre exemple avec le Niger qui réclame à AREVA un « jeu d’égal à égal » sur l’uranium [4]. Dans cet article paru dans Le Monde du 26 décembre dernier, « Le président nigérien - ingénieur des mines et ex-haut responsable du secteur minier - a prévenu qu'il veut « un jeu d'égal à égal », un contrat « équilibré » entre les deux parties et de « meilleures retombées »…

Devant la fermeté des Nigériens, Areva a décidé de suspendre, le 1er janvier 2014, la production d'uranium sur les deux sociétés d'Arlit la Cominac et la Somaïr. Le 6 janvier, le ministre des Affaires étrangères Mohamed Bazoum déclare que le Niger pourrait renoncer à durcir le régime d'imposition d'Areva en raison du bas niveau des prix de l'uranium."Cela pourrait nous amener à entendre les arguments d'Areva. Il n'est pas dans notre intérêt de voir ces mines fermer [5], a-t-il ajouté. Ah bon ? Quelqu’intérêt particulier se serait-il glissé dans la négociation ? Quand les cours de l’uranium étaient en hausse, le Niger a-t’il bénéficié de retombées supplémentaires ?
Comme d’habitude, on « communise » les pertes et on privatise les bénéfices ! Le tout est de savoir au profit de qui…

Dans un rapport [6] publié en novembre 2013, OXFAM nous apprend que sur la base des données fournies par l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), qu’«avant 2007, le Prix Niger de l’uranium est pratiquement fixe et ne dépasse pas les 42 euros/kg, alors que les cours mondiaux s’emballent à partir de 2003 – sur les marchés spéculatifs comme pour les prix de long terme - et peuvent monter jusqu’à 187 euros/kg. En 2008, le gouvernement nigérien fait pression sur AREVA en distribuant des permis d’exploitation à des concurrents – notamment chinois. On peut penser que la question de l’attribution de l’immense gisement d’Imouraren a pesé dans le rapport de force entre le Niger et l’entreprise française. Niamey obtient alors la signature d’un avenant financier au contrat en cours avec AREVA avec effet rétroactif au 1er janvier 2007. Il acte une augmentation du prix de l’uranium, qui passe à 40 000 francs CFA/kg (environ 61 euros) et qui sera renégocié annuellement.

En 2013, et après de longues négociations, il est fixé à 73 000 FCFA/kg (environ 111 euros/kg). En 2008, la SOPAMIN obtient également le droit de racheter une partie de l’uranium aux sociétés minières pour le revendre sur les marchés internationaux (300 tonnes sur la production de 2007) ».

« …Compte tenu de la valeur de l’uranium pour la France et pour AREVA, sa contribution absolue au budget nigérien peut paraitre assez faible, d’autant que les volumes de production des deux mines sont en augmentation constante…

Un an après le début de son exploitation, et avec moins de 20 000 barils/jour, le pétrole rapporte déjà plus que l’uranium au Niger. Certes, le pétrole vaut cher, mais les contrats ont aussi été mieux négociés. Le régime actuel d’AREVA assure à ses filiales un certain nombre d’avantages fiscaux, au détriment des Nigériens. »
 
Il n’y a pas de mystère, pour pouvoir, il faut d’abord vouloir. Nous avons des forces et les opportunités existent, pourquoi cédons-nous toujours aux menaces et maximisons-nous nos faiblesses ?
 

Pour terminer avec nos vœux, nous faisons nôtre ce proverbe chinois (oui, oui, nous sommes pour la mondialisation du bon sens) selon lequel « Les grandes âmes ont de la volonté, les faibles âmes n'ont que souhaits ». Plus qu’un souhait, nous voulons que ceux qui se sont donné pour ambition de nous diriger (avec, à ne pas oublier, notre consentement), dépassent le vœu pieu et fassent preuve de grandeur d’âme dans leurs actions volontaristes.


Bonne année et bonne santé à tous !
 
 
Janvier 2014
 
Aida H. Diagne
aidah.diagne@gmail.com



[6] Niger : à qui profite l’uranium ? L’enjeu de la renégociation des contrats miniers d’AREVA. OXFAM, novembre 2013 (http://www.oxfamfrance.org/IMG/pdf/Niger_renegociations_Areva_note_Oxfam-ROTAB.pdf)