Mali : réflexion sur la démocratie


Rédigé le Samedi 22 Août 2020 à 17:51 | Lu 835 commentaire(s)



Dans les lignes qui suivent, nous ne prendrons parti, ni sur la composition du comité militaire qui a pris le pouvoir, ni sur ses intentions, ni sur ce que ses membres ont décidé ou décideront, le temps au moins où ils le pourront. Nous manquons d’informations. Et cela ne nous regarde pas : les Maliens sont chez eux et y font ce qu’ils veulent.

Nous évoquerons quelques idées générales que la situation actuelle au Mali réveille.

On a coutume de dire que dès lors que les dirigeants sont élus, le régime est démocratique.
Le problème est que, quand on jette un regard sur les faits, et quand on s’interroge sur le point de savoir à quoi est utilisé le concept de démocratie, et à quoi servent concrètement les élections telles qu’on les pratique on constate ce qui suit.

Des dirigeants s’installent, à la suite d’opérations électorales, dans les postes décisionnels. Un fois en place, ils s’en mettent plein les poches et signent les contrats avec des sociétés étrangères qui viennent gagner de l’argent.
La  « communauté internationale » tolère ces personnages, dont certains sont de véritables abrutis, que pour autant qu’ils jouent ce rôle, et qu’ils se gardent bien de prendre des mesures en faveur du peuple. Lesquelles mesures inspirées par certains autres concepts (justice, équité, intérêt général) auraient une incidence sur la rentabilité des investissements étrangers et sur la taille du magot amassé par lesdits dirigeants locaux (et la faune qui gravite autour d’eux, non compris ceux qui, à l’étranger, financent leurs campagnes électorales avec des commissions ou des rétro commissions)

Ce qui se passe en Afrique est caricatural.

Mais là comme ailleurs sous des formes plus subtiles et selon la rhétorique apprise dans certaines « grandes écoles », la démocratie a comme résultat, que 10 % de la population capte 90 % des richesses.

Dans ce système, on comprend l’intérêt qui s’attache à l’élection : du côté de la théorie, elle légitime ceux qui sont au pouvoir et ce qu’ils y font ; du côté de la pratique, elle permet ce qui vient d’être rappelé.

Quand la partie de la population qui souffre de la situation économique arrêtée par les politiques, manifeste son désarroi, la démocratie ne lui offre que l’élection pour changer la donne. Or, l’élection, comme il vient d’être dit, reproduit sous une forme politique, les inégalités économiques. Sauf miracle qui porterait au pouvoir par les urnes un personnage à poigne et à principe qui ferait, en attendant d’être assassiné ou renversé, un minimum de réformes allant par exemple dans le sens de la justice fiscale, tendant à juger les délinquants financiers, et permettant à l’État d’intervenir dans les affaires économiques et financières.

En dehors du miracle, le coup d’État - un remède au truquage de la démocratie.

En dehors du miracle, on ne voit guère que le coup d’État comme remède au truquage de la démocratie.

C’est, semble-t-il, ce à quoi on assiste au Mali, puisque la population semble manifester sa sympathie aux militaires.

Évidemment, dans un tel cas, les dirigeants qui s’installent aux manettes sont décriés.
Pas par le peuple.
Mais par le syndicat des chefs d’États du coin (via des organisations politico-économiques locales) qui ont le même comportement que celui qu’avaient les dirigeants déchus (et mis éventuellement en jugement pour des faits qu’ils ne peuvent plus dissimuler).

Pas par le peuple, mais par la « communauté internationale » dont les dirigeants sont des adeptes du gouvernement mondial ou de l’économie mondialisée. Qui doivent veiller à ce que l’argent puisse librement s’investir et rapporter au mieux des intérêts qu’ils défendent en faisant voter des textes et en décidant de l’emploi de la force contre ceux qui s’y opposeraient.


Le contre feu des chefs d’États africains et des pays « développés »

Les auteurs du coup d’État au Mali doivent s’attendre à subir le contre feu des chefs d’États africains qui doivent veiller à conserver leur sinécure, ainsi que celui des chefs d’État  des pays « développés », dont le travail est de veiller au développement de leur PIB, de la compétitivité de leurs sociétés, et aux indices boursiers.
La presse au service de ces derniers est donc appelée à développer les arguments tendant à préparer l’opinion publique à l’éradication des trublions. [1]

Les mêmes auteurs du coup d’État, en promettant de rendre le pouvoir aux civils en organisant des élections, annoncent le recommencement de la pratique du pouvoir qu’ils dénonçaient. Puisque les élections donnent le résultat que l’on connaît.
À moins qu’elles ne soient organisées autrement. [2]
À moins que des précautions soient prises pour éviter la « fabrication » par l’étranger du candidat promis à être élu.

Marcel-M. MONIN
Constitutionnaliste
Maître de conférences honoraire des universités
 
[1] NB : Lorsque les auteurs d’un coup d’État  sont choisis et aidés à s’installer pour ne pas aller dans le sens de l’intérêt général, l’utilisation du concept de démocratie est beaucoup moins intense.
 
[2] Ce qui est une question qui n’est même pas abordée en France, pays dans lequel il y aurait matière à réfléchir dès lors que la personne qui a été élue n 2017 a été « fabriquée » en quelques mois, ainsi que diverses études l’ont montré.