C’est celui qui paie qui commande ! Qui finance les candidats à l’élection présidentielle au Mali ?

Les promesses n'engagent que ceux qui y croient !


Rédigé le Mardi 18 Juin 2013 à 23:24 | Lu 1963 commentaire(s)

C’est celui qui paie qui commande : qui finance les candidats à l’élection présidentielle au Mali ?

Autrement dit : au service de qui sera le président issu des urnes demain ?


Juin 2012 : photo prise dans une rue de Bamako. Prix 2013 du modèle Essence neuf en France 130 000 €, soit 85 274 410 Fcfa. Pour info, le revenu national brut 2010 par habitant au Mali est de 25 000 fcfa par mois. A qui appartient cette voiture ? A un commerçant de Bamako ?
Juin 2012 : photo prise dans une rue de Bamako. Prix 2013 du modèle Essence neuf en France 130 000 €, soit 85 274 410 Fcfa. Pour info, le revenu national brut 2010 par habitant au Mali est de 25 000 fcfa par mois. A qui appartient cette voiture ? A un commerçant de Bamako ?
 
Tee-shirts, thé, sucre, voyages à l’étranger pour rencontrer la diaspora, meetings… Mais d’où les candidats sortent-ils l’argent pour financer tout ça ? Surtout ceux qui étaient absents du pays. Où étaient-ils pendant que le peuple malien et particulièrement celui du Nord souffrait le martyr ? A l’étranger pour mettre en place leur stratégie de retour au pouvoir avec l’aide de quelque(s) puissance(s) étrangère(s) et vendre définitivement le pays ?
 
Nous sommes nombreux à nous poser des questions sur le courage et les capacités de ces hommes politiques à gérer un pays qu’ils ont fui et où ils reviennent, sans honte ni remords, pour nous demander de les aider à le tuer un peu plus en leur donnant nos suffrages. Autistes, ils nous souhaitent amnésiques et pensent que nous n’avons toujours pas compris que les promesses n’engageaient que ceux qui y croient !
 
Nous savons tous que les partis politiques, en bons rentiers de la République, vivent des fonds détournés au sommet de l’État et dont une partie finance les campagnes électorales. Mais avec la crise, il semblerait que le robinet ne laisse plus couler qu’un maigre filet et qu’il faille aller chercher des fonds ailleurs. Nous ne parlerons pas ici du coût des élections et des campagnes électorales dans un pays où, selon la Banque Mondiale, le revenu national brut (RNB) par habitant en 2011 était de 610 $, soit moins de 300 000 F CFA, par an (25 000 F CFA par mois). Ça, c’était avant la crise ! Le Mali a-t-il les moyens de prendre en charge un modèle de démocratie imposé par des pays riches ?

Constatez vous-mêmes :

  • RNB 2011 en France : 42 420 $, soit 20 854 000 F CFA par an ou 1 737 800 F CFA par mois (plus de 69 fois le RNB malien) ;
 
  • RNB 2011 aux États-Unis : 48 620 $, soit un peu plus de 23 900 000 F CFA par an ou 1 991 000 F CFA par mois (plus de 79 fois le RNB malien).
 
Nous voyons assez rapidement les limites du « copier-coller » et comprenons une des raisons essentielles de la corruption au sommet de l’État. Bien sûr, ils détournent les fonds qui nous sont « théoriquement » destinés, à leur avantage personnel et exclusif. Mais la conservation de cet avantage passe par leur maintien au pouvoir grâce à une mascarade de démocratie qu’il faut financer, et dont nous n’avons pas fini de payer les conséquences aujourd’hui et demain. Nous avons sacrifié, au nom d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, notre génération, celle de nos enfants ; allons-nous hypothéquer celle de nos petits-enfants sous prétexte que nous ne serons plus là pour le voir ? Quand nos dirigeants se souviendront qu’ils ne sont pas que des ventres sur pattes, la question méritera d’être débattue. Personne ne détient la vérité absolue, y compris la fumeuse (pardon, je voulais dire « fameuse ») « communauté internationale » qui a trouvé un nouveau terrain de jeu en Europe… Il est temps de repenser le règne de la pensée unique !
 
Revenons à nos élections alibi du moment. D’aucuns parlent de financements extérieurs, mais ce qui est sûr, c’est que certains de nos hommes politiques bénéficient de fonds émanant de rentiers de la république. Ces fonds proviennent de la corruption et des détournements qui privent le pays de ressources considérables. Ces ressources « mal acquises » profitent à une minorité de rentiers, aux dépens de la majorité de la population. Quelques individus s’enrichissent énormément et rapidement, non pas en raison de leur mérite personnel, mais du simple fait d’être placés là où ils sont : ils profitent donc bien d’une rente de situation, qui est un avantage acquis par le seul fait d'occuper une situation privilégiée ou stratégique. Comment cette coalition de rentiers s’est-elle mise en place pour garder le pouvoir et l’exercer à son bénéfice exclusif ?
 


Comment le système de rente accentue le sous-développement du Mali et tue la démocratie.
 
  1. Une économie de rente assise sur l’exportation de matières premières…
Quand un pays se contente de générer des revenus uniquement à partir du secteur primaire (mines, coton), il crée une économie de rente. Cette économie de rente est liée à un avantage concurrentiel reconnu au pays (ressources abondantes, coût de la main-d’œuvre, imposition à un taux très faible, etc.). Au Mali, l’or et le coton sont les matières premières exportées qui rapportent le plus à l’État, mais leur prix dépend des cours mondiaux. Ni le Mali ni les sociétés productrices ne maîtrisent le prix de ces matières exportées. En cas de chute des cours, les sociétés privées productrices ne peuvent agir que sur la variable « coût de la main-d’œuvre » pour ajuster les prix si elles veulent demeurer compétitives sur le marché mondial. Ainsi, dans une économie de rente, au lieu de voir sa situation économique et sociale évoluer, le mineur ou le paysan peut subir une dégradation de ses conditions de travail. En résumé, quand les prix augmentent, les profits des sociétés augmentent mais pas son salaire, quand les prix baissent, il sert de variable d’ajustement afin de maintenir les profits à niveau (soit il est mis au chômage partiel et son salaire baisse, soit son temps de travail augmente pour le même salaire, soit il perd son travail et son salaire). Cela conduit inexorablement à des mouvements de révolte populaires (Marikana en Afrique du Sud, Loulou et Sadiola au Mali).
 
Quand c’est l’État qui joue le rôle d’acteur économique à travers une société d’État monopolistique, comme c’est le cas pour le coton, il subventionne les paysans pour que ces derniers ne vendent pas à perte et ne s’éloignent pas d’une culture devenue non rentable pour eux. Ces subventions à destination d’une population particulière sont payées par vous et moi et ne seront pas investies dans des écoles ou des centres de santé, utiles à toute la collectivité.
 
Une économie de rente fondée sur l’exportation de matières premières ne permet certainement pas le développement d’un pays : aucun pays au monde ne s’est développé uniquement à partir du secteur primaire. Elle enrichit quelques personnes certes... mais marginalement.

Cet extrait tiré du rapport 2013 de « Perspectives Économiques en Afrique» ne dit pas autre chose quand il regrette l’absence d’une meilleure insertion de l’industrie extractive dans l’économie nationale malienne : « … La création de valeur ajoutée à travers une transformation locale et le développement de points de vente continue de faire défaut. Les opérateurs et prestataires de services nationaux ne sont pas présents aux différents niveaux de l’activité minière (exploitation, sous-traitance, fourniture de services et d’intrants locaux, valorisation et utilisation de produits locaux). D’une manière générale, le secteur minier n’a pas assez de liens avec le reste de l’économie locale. Il ne produit que de l’or, faute de données géologiques sur des gisements d’autres minerais. Il est pénalisé par l’absence d’un cadastre minier fiable et d’un mécanisme autonome et approprié de financement. Le contrôle, le suivi et l’évaluation des sociétés minières reste insuffisant. Les infrastructures énergétiques et de communication dans les zones minières ne sont pas assez développées ». Rappelons que  « Perspectives Économiques en Afrique » combine l’expertise de la Banque africaine de développement, du Centre de développement de l’OCDE, de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, du Programme des Nations Unies pour le développement ainsi que celle d’un réseau de think tanks et de centres de recherche africains, aucune de ces institutions n’étant suspecte de « chavisme »…
 
 
  1. …qui favorise les importations…
Une économie qui tire l’essentiel de ses revenus de l’exportation de matières premières doit importer une grande part des biens qu’elle consomme. Or, c’est la transformation des matières premières (secteur secondaire) qui permet le développement. En effet, il ne faut pas confondre richesse et développement. Si les revenus du secteur primaire ne sont pas investis dans la création de valeur ajoutée par la transformation des matières premières dans le pays de production, si tous les biens transformés sont importés, ce sont les pays où sont fabriqués ces biens qui s’enrichissent et se développent aux dépens du pays importateur. Il est à noter que les pays qui ont besoin de matières premières à faible coût pour alimenter leur économie développée ou émergente ont tout intérêt à maintenir les pays producteurs dans leur rôle d’exportateurs de matières premières puisque la valeur ajoutée, et donc la richesse, seront créées chez eux.
 
  1. …enrichit les commerçants et tue notre industrie dans l’œuf …
Ces importations n’enrichissent pas seulement ces pays aux dépens du Mali, mais également certains agents économiques: les commerçants. Dans un pays où la corruption est marginale, les taxes versées à l’État à l’entrée des marchandises sur le territoire génèrent des revenus qui vont gonfler ses caisses. Or, dans un pays où règne la corruption, les commerçants préfèrent payer un douanier qui réclamera une somme moins importante que celle représentée par les taxes de l’État. Outre le fait de creuser le déficit commercial du pays, le commerçant ne déclarera pas les ventes réalisées sur ces marchandises entrées frauduleusement, et donc ne paiera aucun impôt sur les bénéfices réalisés. À ce stade, l’État a déjà perdu deux occasions de renflouer ses caisses. Mais ce n’est pas tout, en faisant rentrer sa marchandise frauduleusement, le commerçant fait une concurrence déloyale à l’industrie malienne et met en péril un secteur créateur de valeur ajoutée et d’emplois, secteur déjà fragilisé et peu soutenu (on comprend mieux pourquoi maintenant). En effet, un commerce génère très peu d’emplois, contrairement à l’industrie et à l’artisanat.
Bien entendu, ce processus de destruction massive de l’économie nationale ne se fait pas sans complices.
 

 
  1. …avec la complicité des douaniers et des politiques
Le commerçant ne peut pas faire entrer sa marchandise frauduleusement sans la complicité du douanier et des autorités qui laissent faire. Le commerçant acquiert sa richesse en payant le douanier, qui construit sa fortune à partir d’une rente de situation due au poste qu’il occupe. Une fois enrichi, ce douanier démarre une activité de commerce ou de transport de marchandises (sa deuxième vache à lait) tout en gardant son poste : il cumule ainsi deux rentes de situation.
 
Mais tout cela n’est possible que parce que l’économie de rente se nourrit, entre autres, de l’absence de contrôle et de transparence dans la sphère économique. Pour que cela perdure, commerçants et douaniers achètent donc à leur tour les autorités politiques afin qu’elles empêchent le vote de lois susceptibles d’entraver leurs activités, voire qu’elles votent des lois pour les protéger. C’est ainsi que gros commerçants et douaniers devenus milliardaires financent les campagnes de certains candidats (lisez la presse pour savoir qui finance qui). Une fois ceux-ci élus, cette coalition de rentiers s’adonnera allègrement à la corruption et aux détournements de fonds tous azimuts, tous s’unissant pour détruire le Mali à leur profit personnel.
 
 
Vous pensiez qu’en votant pour un candidat, il travaillerait pour vous ? Ne soyez plus naïfs ! C’est celui qui paie qui commande : trouvez qui finance les candidats et vous comprendrez dans l’intérêt de qui gouvernera celui auquel vous aurez délégué votre pouvoir en votant pour lui.

Vous voulez élire un candidat qui travaillera pour vous, peuple malien ? Regardez donc du côté de ceux que vous avez du mal à entendre, à voir, ceux qui ont fait le choix de ne pas s’aliéner à l’argent sale et aux puissances étrangères… Pour gouverner le Mali d’aujourd’hui, il faut du courage et de l’abnégation, beaucoup de courage. Les candidats qui ont fui le pays quand il était dans la tourmente nous ont montré de quoi ils étaient capables… Ne vous laissez pas berner par des promesses qui n’engagent que ceux qui y croient ! Faites comme saint Thomas, ne croyez que ce que vous voyez : scrutez les actes et les faits des uns et des autres avant de faire votre choix. Le Mali ne se relèvera pas d’un coup de baguette magique ni sans les efforts de chacun.
 
En tant que citoyens, le pouvoir vous appartient, donnez-vous les moyens de l’exercer et de décider de votre avenir. Étudiez tous les candidats, leur parcours, la source de financement de leur campagne, puis allez voter et déposer dans les urnes votre avenir et celui de vos enfants. Ne bradez pas votre pays pour un tee-shirt et osez rêver d’un Mali debout !

Quel que soit votre choix, il faudra en assumer la responsabilité, toute la responsabilité…
 
 
On n’est jamais trahi que par les siens !
 
aidah.diagne@gmail.com
Juin 2013